CRES\003\11\2015: RESOLUTION ON THE HUMAN RIGHTS ON THE SITUATION IN BURUNDI
Le Forum de participation des ONG à la 57ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples, réuni à Banjul, Gambie, du 31 octobre au 2 novembre 2015
Profondément préoccupé par la détérioration de la situation politique et sécuritaire au Burundi, marquée par l’enlisement du dialogue politique, la perpétration d’actes de violence et de graves violations des droits humains, les entraves accrues aux droits et libertés fondamentales, les actes d’intimidation et de menaces à l’encontre des défenseurs des droits humains et les journalistes et par l’impunité des auteurs de violations ;
Craignant que l’ampleur et la persistance des actes de violence commis au Burundi n’entraînent, en cas de détérioration de la situation, une déstabilisation de l’ensemble de la sous-région ;
Considérant les dispositions de l’Acte Constitutif de l’Union africaine (UA), par lesquelles les États membres de l’UA se sont engagés à promouvoir et à protéger les droits de l’Homme et des peuples, la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent, les principes et les institutions démocratiques, la bonne gouvernance (articles 3.h et 4.m) de même qu’à condamner et rejeter l’impunité (article 4.o) ;
Rappelant la Déclaration de la CADHP sur la situation au Burundi adoptée lors de sa 56ème Session, condamnant fermement toutes les formes de violence, d’intimidation ou de harcèlement perpétrées contre les citoyens burundais, en particulier l’usage disproportionné de la force létale par les forces de sécurité, les pertes en vie humaine, les restrictions à la liberté de presse, mais aussi à la liberté de réunion, d’expression et d’association ;
Rappelant la Résolution 309 de la CADHP sur la situation des droits de l’homme au Burundi dans laquelle elle condamne fermement les violations des droits humains commises au Burundi et invite le Gouvernement à ouvrir des enquêtes sur les violations perpétrées durant la période électorale et après, et traduire en justice les auteurs présumés ;
Regrettant, l’impunité généralisée dont continuent de bénéficier les présumés responsables de violations des droits humains ;
Saluant la décision du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine d’ouvrir une enquête sur les violations des droits humains commis au Burundi contre les populations civiles ; rappelant également la demande formulée par le Conseil de Paix et de sécurité à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples de prendre d’urgence les mesures requises pour mener cette enquête ;
Dans la perspective de cette mission d’enquête, le Forum des ONG recommande à la CADHP :
Concernant la compétence matérielle de la mission d’enquête :
- Porter une attention particulière sur les cas d’exécutions sommaires et extrajudiciaires et les allégations d’actes de torture : En septembre 2015, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme déclarait que son bureau avait enregistré, depuis avril 2015, 134 meurtres. Il déclarait par ailleurs « Presque chaque jour, des corps sans vie sont retrouvés dans les rues de certains quartiers de Bujumbura. Dans de nombreux cas, les victimes semblent avoir été tuées par des balles tirées à bout portant. Leurs corps portent parfois des traces de torture et sont souvent retrouvés les mains liées dans le dos ». Le Haut-Commissaire indiquait par ailleurs avoir documenté 90 cas de torture. La mission d’enquête devra également porter une attention particulière sur les conséquences de l’usage excessif et disproportionné de la force par les forces de sécurité burundaises, ayant causé la mort de plusieurs civils, de même que sur les cas d’assassinats ciblés.
- Enquêter sur les cas d’arrestations et de détentions arbitraires : Alors que la police burundaise nie tout phénomène d’arrestations massives et prétend procéder à de simples contrôles d’identité et opérations de recherche d’armes, le harcèlement des populations et les arrestations arbitraires se poursuivent. Régulièrement, des quartiers, particulièrement ceux considérés comme contestataires, sont bouclés pendant plusieurs heures ou jours, la police interdisant les habitants d’en sortir et menant des fouilles et perquisitions intempestives. Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme notait en septembre 2015 que des « centaines de cas d’arrestations et de détentions arbitraires » avaient pu être documentés début septembre. Le Haut-Commissaire indiquait par ailleurs que « les personnes arrêtées sont généralement relâchées après quelques jours, mais certaines restent en détention préventive pendant des mois, bien au-delà de la durée maximale autorisée par la législation nationale et internationale ».
- Enquêter sur les actes de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits humains et des journalistes : Les défenseurs des droits humains et les journalistes, dans le collimateur du régime Burundais depuis de nombreuses années, sont depuis le début de la crise des cibles privilégiées et continuent de subir attaques, actes de harcèlement et stigmatisation accrus. Défenseurs et journalistes continuent de faire face à des atteintes à leur sécurité physique (tabassage par les forces de police, tentative d’assassinat), à des menaces, actes de harcèlement et d’intimidation, stigmatisation. 5 médias ont été détruits et n’ont toujours pas été autorisées à reprendre leur diffusion. Parallèlement, les déclarations des autorités burundaises laissent entendre qu’une nouvelle loi sur les associations pourraient restreindre d’autant plus la liberté d’association, notamment en durcissant les conditions d’enregistrement des ONGs et en portant atteinte à leur droit au financement.
- Porter une attention particulière sur les mesures d’enquêtes et de poursuites prises par les autorités burundaises pour poursuivre et juger les responsables de crimes : En dépit des déclarations des autorités faisant état de l’ouverture d’enquêtes sur les crimes commis, les responsables de ces exactions continuent de jouir d’une impunité quasi-généralisée. Les autorités burundaises ont déjà eu à mettre en place par le passé des commissions d’enquête sur des cas d’exécutions sommaires et extra-judiciaires qui n’ont pour l’heure pas fait connaître leurs conclusions. La mission d’enquête de l’Union africaine devra porter une attention particulière sur l’administration de la justice au Burundi et formuler des recommandations concrètes pour lutter contre l’impunité des auteurs de crimes.
Concernant la compétence temporelle de cette mission d’enquête :
- L’enquête devra couvrir les événements survenus, y compris pendant la période pré-électorale, lors de laquelle un nombre important d’exactions à caractère politique ont pu être documentés.
Le Forum recommande par ailleurs à la CADHP :
- De garantir, dans le cadre de son enquête, des mesures de protection des victimes et des témoins;
- De coopérer avec les organisations indépendantes de défense des droits humains;
- De s’assurer de rendre public le résultat de son enquête et d’exiger que les auteurs de crimes soient poursuivis et jugés devant des juridictions compétentes, indépendantes et impartiales;
- De proposer au gouvernement burundais un appui technique pour mettre le projet de loi sur les ONGs en conformité avec les standards internationaux et les obligations du Burundi ; proposer également un appui technique pour l’adoption d’une loi sur la protection des défenseurs des droits humains conforme aux standards internationaux et aux obligations du Burundi;
- D’inviter la Commission nationale des droits de l’Homme du Burundi à documenter les allégations de violations de droits humains;
- De développer une feuille de route pour les droits humains au Burundi qui comprendrait des mesures de protection des droits et des libertés fondamentales, appellerait à la réouverture des médias suspendus, comprendrait des mesures de lutte contre l’impunité des auteurs de violations et de renforcement du cadre normatif relatif à la protection des droits humains.
Fait a Banjul – Gambie – 2 novembre, 2015